Dans la majorité des sociétés, on « mâle-traite » les corps des femmes. Entre contrôle coercitif, exploitation sexuelle et reproduction sociale des violences, le patriarcat a cadenassé -par la voie du corps- la vie des femmes dans tous ses aspects. La famille peut dès lors représenter le socle de ces oppressions, assignant les femmes aux tâches domestiques, à l’obligation latente de donner ventre et s’occuper des enfants. Emprise, humiliation, dépendance, injonctions contradictoires, une déclinaison prospère de contraintes, surveillance, parfois coups et blessures.
Quelles relations psychopathologiques président à inhiber, fétichiser, tirer profit et subordonner ce Corps, en en disqualifiant la libre expression jusqu’à limiter ou anéantir sa valeur ? Qu’est-ce que cela dit de nos systèmes de pensée, représentations culturelles et interactions sociales ?
Les femmes recèlent un substrat spécifique et envié : sans genre féminin, pas d’humanité. Nous sommes la matrice. Nous portons le monde en nous.
Mais cette capacité rétroagit comme une obligation socio-culturelle qui nous rendrait débitrice de « faire des enfants ». Objet de production-reproduction à rentabiliser ? Oui version capitaliste, oui du côté de la tradition aussi. Or, toute femme ne désire pas avoir d’enfant. « Les Monologues du vagin ».
Indépendamment de notre capacité à procréer, nous pratiquons largement le « Care ». Pionnières, nous prodiguons des soins à différents titres – sorcières guérisseuses, nonnes compassionnelles, expertes en plaisirs de la chair, sages-femmes, infirmières, femmes au foyer, enseignantes, muses, domestiques…
Toutes soigneuses, nous sommes l’origine de l’investissement affectif, de l’attachement primaire et du développement humain. Nous sommes les résonances peau à peau qui protègent l’enfance et animent les structures de l’être-apprenant à être et à aimer. Nous diffractons la sécurité de l’équilibre vital. Nos corps accouchent de l’espèce humaine en mouvement. Ils « pro-curent » – CURE et (ré)génèrent l’amour.
Ce corps fabuleusement vivant, figure fractale de la Nature, mérite respect, reconnaissance, préservation. Ni réduction, ni prédation, ni soumission.

Provenant d’une femme, l’homme aurait-il oublié ses origines, sa source créatrice ?
En faisant varier le statut des femmes, en les traitant de manière différenciée, opposée – les « respectables fertiles » / les « salopes, inutiles »- le patriarcat nous rend rivales. Il a assiégé le genre humain, l’amputant d’une partie de sa valeur ; la valeur du genre féminin dans sa diversité. Appréciation à géométrie variable, pour « Surveiller & punir », contrôler notre pouvoir de faire et refaire monde. Déconnectés du grand Tout, les hommes ont divisé pour régner en maîtres, ignorant par l’arrogance, écrasant par la force la puissance féminine.
Agissant contre notre primauté génératrice du Vivant, les rapports de force et privilèges masculins traduisent un complexe inconscient et nous privent de la transmission de valeurs essentielles : qualités sensibles-intuitives-perceptive-spirituelles. Ces aptitudes, reléguées au périmètre censé définir LA féminité, sont une soupape de sécurité contre l’accroissement de notre part d’ombre. Point d’équilibre, nos aptitudes régulatrices constituent des essences à propager ; communicables à tous, à toutes pour un alignement en douceur, responsable d’une union féconde corps-esprit-conscience-volonté d’âme.
Quels intérêts spécifiques-peur-pertes et profits motivent la résistance au changement du genre masculin ?
La force physique -musculaire- des hommes est-elle une donnée probante ?
Profitant de leur naturelle différence, ils l’érigent en avantage totalitaire, consolidant une domination profondément enracinée dans les us coutumes.
Evitons de naturaliser cet aspect. S’extraire du sens commun et des mythes partagés est une vertu scientifique. On risque -autrement- de justifier les discriminations en les rapportant à une assise originelle censée les accréditer. Or, cette pensée biaisée ne ferait qu’entériner l’essentialisation-biologique comme fait décideur de destins opposés.
Interrogeons plutôt la manipulation, l’érection de la norme et l’ancrage-héritage, qui tiennent pour acquis les bénéfices touchés par les hommes. Construction sociale favorable à ces derniers, mais pernicieusement dommageable pour les femmes victimes centrales des dérives de l’Histoire.
Mais qui décide de la bonne pioche ?
Rendez-vous compte – Rendez-nous des comptes. Vous êtes comptables de vos limites et méfaits !
Dénominateur commun à tous les êtres sentients : le Corps. Toutefois, « Tous les animaux sont égaux mais certains animaux sont plus égaux que d’autres ». Femmes-hommes, blanc-noir, humain-animal…
Dévoilons le CORPS des femmes assigné à un statut social inégal.
Mettre en lumière l’essentialisation dont il fait l’objet, les avatars stéréotypés qui le contraignent, les interdits qui le brident, les normes qui le cloisonnent et la palette des servitudes subies ne suffira pas. Il restera à imaginer l’avenir avec les hommes (oui les femmes sont bien *magnanimes), en suivant tous les cailloux essaimés le long du chemin des luttes féministes intersectionnelles. Ces combats nous éclairent sur les changements urgents : de perception, d’attributions et de relations sociales à opérer. Véritable projet politique.

Comprenons le corps des femmes dans sa pluralité, dans tous ses états d’être concrets. Embrassons nos riches différences, englobons la majorité des faits et des personnes.
« A mon corps-défendant » – Corps en souffrance, dépendant de la « volonté de puissance » des hommes.
Uniformisés, incarcérés dans le conformisme d’un modèle hétéronormatif, en zone occupée par de mâles humiliations et intrusions archaïques.
Des corps murs porteurs de mémoires transgénérationnelles -mémoire cellulaire- et d’une pesante charge mentale résultant des conventions sociales, patriarcales. Des corps en collision organisée, entre mise en concurrence déloyale -prostitution/désirabilité- et utilisation en libre-service non consenti -abus divers. Des corps dépossédés de leur libre choix.
Le désir insatiable des hommes est une anti-sororité.
Références : « La volonté de puissance » F.Nieztsche – « Surveiller et punir : naissance de la prison » Michel Foucault – Féminisme et sciences humaines en BD « Ils abusent grave » Herel Hannah et Fred Cham – « La puissance des femmes une autre histoire de la philosophie » Philosophie mag’ – « La tyrannie de la réalité » Mona Chollet – « Cher Connard » Virginie Despentes |
Pourtant, nous sommes plutôt magnanimes. Les hommes, nous ne les avorterons pas, nous ne les priverons pas d’éducation, nous ne les brûlerons pas sur un bûcher, nous ne les tuerons pas dans les rues, nous ne les tuerons pas lorsqu’ils font leur jogging, nous ne les tuerons pas dans les bois, nous ne les tuerons pas dans nos maisons, nous ne leur ferons pas honte d’être nés de leur sexe, nous ne leur interdirons pas l’espace public, nous ne les excluerons pas des cercles de pouvoir, nous ne les mutilerons pas, nous ne leur interdirons pas de s’habiller comme ils l’entendent, nous ne les forcerons pas à enfanter, nous ne les culpabiliserons pas lorsqu’ils ont une passion qui les éloigne du foyer, nous ne les déclarerons pas fous lorsqu’ils ne sont pas de bons époux, nous ne confisquerons pas leur sexualité, nous ne surveillerons pas leurs faits et gestes et leurs déclarations comme s’ils nous appartenaient, nous ne réclamerons pas de voir leurs cheveux, nous ne frapperons pas d’ignominie ceux qui désobéissent. Quand nous disons égalité, nous ne parlons pas de cette égalité-là.
« Cher Connard » Virginie Despentes
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